Prise en charge post opératoire et éducation du patient porteur d’une prothèse rythmique

Justine Jasson, Centre Cardiologique du Nord, mai 2021

 

Un Stimulateur cardiaque (Pace Maker - PM) ou un Défibrillateur Automatique Implantable (DAI) vient d’être posé à votre patient.  Le boitier est immédiatement opérationnel et le patient retourne dans sa chambre.

Education prothese

Quelle est la conduite à tenir dès son retour d’intervention ?

 

Le patient doit toujours être votre priorité : installez-le de façon confortable et en sécurité, vous devez ensuite l’informer sur ce qu’il peut faire dans les premières heures et surveiller l’apparition d’éventuels effets secondaires ou complications.

Immédiatement, vous devez :

  • Prendre connaissance des consignes post opératoires.
  • Installer le patient : il faut qu’il évite absolument l’appui sur le bras coté opéré, cela peut provoquer des douleurs importantes. Expliquez-lui les positions antalgiques : décubitus dorsal, position demi assise, le bras côté opéré replié sur le ventre. Vous pouvez lui conseiller de garder l’épaule et le cou détendus du côté opéré. Il peut se servir de son bras mais en faisant des mouvements de faible amplitude.
  • Evaluer la douleur en suivant le protocole du service, la tracer et la traiter.
  • Surveiller le pansement de la loge pectorale (gauche ou droite) : assurez-vous qu’il n’y ait pas de saignement et que la loge n’est pas gonflée.
  • Surveiller les constantes hémodynamiques : vérifiez l’absence de modification de l’hémodynamique.
  • Réaliser un électrocardiogramme (ECG) : si le patient a un stimulateur cardiaque, faites un deuxième enregistrement en positionnant un aimant en regard du boitier. Cela induit la stimulation et permet de repérer les spikes (stimulations électriques). Attention à ne pas mettre d’aimant sur les défibrillateurs car cela annihile les thérapeutiques.
  • Sauf consigne contraire, retirer la voie veineuse périphérique qui présente un risque infectieux important .
  • Donner les consignes post-opératoires à votre patient et le rassurer : il ne doit pas faire de mouvements amples avec le bras coté opéré. Il doit également signaler toute modification de son état de santé : saignement, douleur soudaine, gonflement.

Dans les heures qui suivent :

  • Alimentation : référez-vous aux prescriptions post opératoires ou aux protocoles de service. Le plus souvent, la reprise de l’alimentation se fait dans les 2 h qui suivent le retour en salle si l’état de santé et de conscience du patient le permet.
  • Premier levé : il doit être précoce. Référez-vous aux prescriptions post opératoires ou au protocole de service. Le plus souvent, le premier levé se fait dans les 4 heures qui suivent l’intervention et toujours après la reprise de l’alimentation, en fonction de l’état de santé et de conscience du patient.

 

Quelles sont les complications immédiates ?

  • Douleur
  • Hémorragie
  • Stimulation diaphragmatique
  • Pneumothorax
  • Hémothorax
  • Epanchement péricardique
  • Déplacement de sonde
  • Infection précoce

 

Conduite à tenir en cas de complications immédiates :

  • La douleur: l’évaluation doit être régulière et tracée, toutes les heures les 4 premières heures puis toutes les 4 heures pendant 12h. elle doit être signalée au médecin et traitée.
  • Elle peut être liée à l’intervention : à l’incision ou à la position prolongée en décubitus dorsal sur un plan dur : Expliquer les positions antalgiques, et expliquer quelle sont les positions ou mouvements à éviter : pas de décubitus latéral coté opéré, pas de mouvement ample du bras coté opéré. Suivant la prescription médicale ou le protocole de service, prévoir des antalgiques (le pallier 1 est souvent suffisant).
  • En cas de douleur aigue transfixiante dans l’épaule et difficulté à respirer +/- désaturation : Installer le patient en position demi-assise. En informer immédiatement le médecin de salle et suivant la prescription : mise en place d’oxygène, radio au lit pour suspicion de pneumothorax / hémothorax, surveillance de la saturation en continue.
  • En cas de douleur thoracique + tachycardie +/- difficulté à respirer +/- retentissement hémodynamique : installer le patient en position demi-assise, prévenir le médecin sans attendre +/- le plateau technique interventionnel et suivant la prescription médicale : radio thoracique au lit en urgence pour suspicion d’épanchement péricardique, mise en place d’oxygène, poser une VVP côté opposé au PM/DAI, garder le patient à jeun, scoper ou contrôler les constantes toutes les 10 min. Surveiller l’apparition de signes de choc.

Ces 2 évènements sont heureusement rares mais doivent être connus.

  • Les complications hémorragiques : cela peut être un saignement extériorisé dans le pansement, un gonflement au niveau de la loge pectorale ou du bras coté opéré. Cet hématome peut prendre la taille d’un pamplemousse en quelques minutes.
  • En cas de saignement extériorisé: refaire le pansement suivant protocole de service et vérifier l’absence de désunion des berges de l’incision. Faire une compression manuelle pendant 10 minutes, le saignement doit se tarir. Un pansement compressif peut être nécessaire. En informer le médecin de salle.
  • En cas de saignement interne: la loge pectorale va gonflée, le bras coté opéré peut s’indurer. Un pansement compressif croisé au niveau de l’épaule et de la loge pectorale peut être nécessaire. Sans défaire le pansement occlusif posé au bloc, vous pouvez réaliser un pansement compressif suivant le protocole du service. Le plus souvent de l’omoplate coté opéré jusqu’au bord controlatéral du sternum ou jusqu’aux cotes côté opposé. (La peau est trop souple pour maintenir un pansement compressif en place, Il doit être soutenu par un plan dur osseux.) Le pansement restera en place 24h au moins. Un médecin doit évaluer la nécessité d’une reprise au bloc, immédiate ou non. La mise en place d’un sac de sable peut également être nécessaire.
  • Dans tous les cas : Vérifier les traitements anticoagulants en cours et voir avec le médecin de salle pour la reprise/ la suspension des traitements en cours.

Pour informations, les ecchymoses post-opératoires peuvent être étendues et impressionnantes mais elles sont sans gravité. Veillez à bien rassurer votre patient.

  • La stimulation diaphragmatique : le patient se plaint d’une sensation de hoquet. Positionner le en décubitus dorsal torse nu et observer le torse ou évaluer en posant la main sur le torse au niveau de la coupole diaphragmatique. Vous devez ressentir une trémulation ou un hoquet. C’est sans gravité mais très inconfortable pour le patient. En Informer le médecin pour qu’il effectue un réglage des seuils de stimulation.
  • Le déplacement de sonde : le patient ne bénéficie pas des thérapeutiques apportés par son boitier. Il sera visible sur l’ECG à montrer au médecin dès sa réalisation. En cas de doute, garder le patient à jeun et conserver la VVP. Cela peut être confirmé par une radio thoracique post opératoire.
  • L’infection précoce : des signes d’infections (tels que rougeurs et chaleur de la loge, fièvre) peuvent apparaitre précocement, ce qui oblige à retirer tout le matériel pour remettre un nouveau dispositif après une d’antibiothérapie.

 

Quelle est la conduite à tenir à court terme ?

Une radiographie thoracique de contrôle est a demandé le jour ou le lendemain de l’intervention, dans tous les cas avant la sortie. Elle sert à contrôler la position des sondes, de l’appareil et à s’assurer de l’absence de lame d’épanchement ou de pneumothorax.

Le retour à domicile pourra être envisagé le jour même si la prise en charge est en ambulatoire, ou dès le lendemain de l’intervention si l’état de santé du patient est jugé satisfaisant par le médecin.

Ce que vous devrez faire le jour de la sortie :

  • Réfection du pansement suivant prescription ou protocole de service.
  • Remise du dossier médical.
  • Remise du carnet de DMI qui doit contenir les références du matériel implanté (type, nom et numéro de lot), la date d’implantation, le nom du médecin operateur +/- les coordonnées du centre implanteur (article R5212-42 du Code de Santé Publique).
  • Il est également conseillé de remettre au patient un guide de conseils pour vivre avec le PM/DAI. (PM : https://fedecardio.org/publications/stimulateur-cardiaque/ DAI : https://fedecardio.org/publications/defibrilateur-automatique-implantable/)

Desunion de berge

Exemple de désunion de berges.

Donner les conseils post opératoires pour les jours qui viennent :

  • Prise en charge de la douleur : Rappeler les positions antalgiques. Le patient doit partir avec une prescription d’antalgique. La douleur doit être soulagée par les antalgiques de palier 1
  • Surveiller l’incision :
    • Si suture agrafe ou fil : s’assurer d’une prescription de soins infirmiers. Le plus souvent les fils ou agrafes sont à retirer à J10. Le patient ne doit pas mouiller la cicatrice.
    • Si fermeture à la colle : aucun soin infirmier n’est nécessaire : le patient peut prendre une douche immédiatement. La colle est utilisée pour joindre les berges de l’incision et pour crée un film étanche sur la peau. Celle-ci peut avoir un aspect rouge-violacée, plissée. Le film colle va mettre environ 3 semaines à se résorber et la peau va reprendre petit à petit son aspect normal. Expliquer au patient de ne pas frotter et sécher en tamponnant avec un linge propre.
    • Le patient doit surveiller l’apparition de signe d’inflammation ou d’infection (fièvre, frisson, rougeur, chaleur, loge gonflée, écoulement quel que soit sa nature). En cas d’apparition d’une complication, il doit prévenir son médecin sans attendre.

Vous devrez faire aux patients les recommandations en lien avec son intervention. Le patient ne doit pas partir avec une question restée sans réponse.

Quelle est la conduite à tenir par le patient à moyen terme ?[1]

 

Sont à éviter :

  • Le port de charge lourde pendant 1 mois
  • Le sport pendant 1 mois ou jusqu’à cicatrisation complète.
  • La baignade (mer ou piscine) jusqu’à cicatrisation complète même en cas de pansement colle.
  • Les gestes amples du bras côté opéré pendant 1 mois. Vous pouvez expliquer au patient que « son coude doit rester plus bas que son épaule », il doit faire attention au repassage, éviter de faire les vitres, se faire aider pour se laver les cheveux.
  • Le patient ne doit pas manipuler le boitier et les sondes à travers la peau. Un risque d’extériorisation du matériel, de désunion de la cicatrice ou de déplacement de sonde existe à tout moment.

Le patient peut avoir un temps d’adaptation pour ne plus sentir le poids de l’appareil dans la loge pectorale. Vous pouvez être rassurant, le thorax va faire la place pour le matériel implanté qui le gênera de moins en moins.

 

Quelle est la conduite à tenir par le patient à long terme ?

 

Le PM/DAI n’altère pas la qualité de vie. Le patient peut reprendre la majorité de ses activités antérieures. Voire activité physique et prothèse rythmique implantable.

Ce que le patient doit/peut faire :

  • Le patient doit toujours avoir en sa possession la carte de Dispositif médial implantable (DMI).
  • Le patient peut continuer à utiliser le four à micro-onde, le téléphone portable. Il peut mettre la ceinture de sécurité en voiture.
  • Le patient peut voyager. La carte de DMI est obligatoire pour voyager en avion.
  • Le patient peut reprendre une vie intime dès qu’il se sentira à l’aise.
  • La reprise du travail est la plupart du temps possible. Cependant elle doit être discutée au cas par cas avec le rythmologue dans le cas de métier particulier (conduite de certains véhicules (permis poids lourds), manutention de charge lourde (déménageur de piano), métier nécessitant une attention accrue (pilote d’avion),…)
  • Le patient devra discuter avec son cardiologue de la reprise d’une activité physique régulière. Le sport est le plus souvent conseillé mais dépend de la pathologie sous-jacente du patient.
  • Le patient doit informer tous les professionnels de santé qu’il rencontre (médecin généraliste, dentiste, kinésithérapeute, infirmier, …) qu’il est porteur d’un PM/DAI pour qu’aucune thérapeutique incompatible ne lui soit proposée.
  • Le patient peut avoir accès au service d’imagerie médicale : la radiographie et le scanner sont compatible avec le port d’un PM/DAI.

Cas particulier des IRM : Un examen IRM peut être envisagé au cas par cas suivant la compatibilité du matériel implanté, le type d’IRM à passer et après avis du rythmologue. Un réglage avant et après l’IRM est nécessaire. Certains centres d’imagerie ne peuvent pas réaliser ces réglages.

  • Le patient doit continuer le suivi avec son cardiologue traitant. Il devra par ailleurs être suivi par un rythmologue (tous les 6 mois à 1 an, la fréquence sera déterminée par le praticien). Celui -ci assurera la surveillance de l’usure de l’appareil et fera les réglages nécessaires au maintien de la santé du patient. Certains praticiens mettent en place la télécardiologie (télésurveillance et la téléconsultation.) Le fabricant du PM/DAI ou un infirmier dédié remettra au patient un terminal de connexion. (Voire l’article dédié en 2.1.4.3Télésurveillance des prothèses rythmiques).
  • Le patient doit signaler à son médecin tout signe d’inflammation, d’infection ou d’extériorisation de matériel.
  • Le patient doit maintenir un bon suivi par le médecin généraliste. Il faut toujours traiter un rhume ou une angine et avoir un suivi dentaire régulier. Il existe un risque de migration des germes sur le matériel implanté.
  • Si le patient entend son PM/DAI émettre un signal sonore : c’est le signe d’une usure de pile ou d’un disfonctionnement. Le patient doit consulter son rythmologue sans attendre. Il doit préciser lors de la prise de rendez-vous que son appareil sonne pour qu’il soit reçu dans les meilleurs délais.

Ce que le patient doit éviter :

  • Les portiques magnétiques : le patient ne doit pas stationner dans un champ électromagnétique qui risque de modifier le réglage de son appareil. A l’entrée des magasins, il doit franchir les portiques sans s’arrêter. A l’aéroport, le patient devra présenter sa carte de DMI pour éviter de passer sous les contrôles magnétiques.
  • Les plaques à induction : un arc électrique peut se former entre la plaque et le boitier ce qui le rendrait inopérant. Le patient doit se tenir à plus d’1 mètre d’une plaque allumée. Si le changement de plaque de cuisson n’est pas possible, vous pouvez conseiller au patient de cuisiner sur les plaques les plus éloignées de lui, les bras tendus, en veillant à s’en approcher le moins possible.
  • Exposition au soleil prolongée (plage, piscine) : le boitier va emmagasiner de la chaleur qui pourrait provoquer une brûlure du tissu cutané en regard du boitier. Conseiller au patient de privilégier l’ombre ou le port d’un T-shirt.
  • Le patient doit éviter de ranger dans la poche de poitrine tout appareil contenant du matériel magnétique qui pourrait perturber le signal électrique du boitier. (Téléphone portable, lecteur MP3, radio…)

Ce que le patient doit proscrire complètement :

  • Les sports violents et de combat (judo, karaté, boxe, rugby, …). Le patient ne doit pas se mettre en situation de prendre un coup sur son boitier. Cela risquerait de léser les tissus avoisinants.
  • La pratique d l’haltérophilie ou du golf de façon intensive : la répétition de l’hyperextension du bras peut endommager les sondes de stimulation.
  • La pratique de la chasse si le patient a été implanté du côté ou il arme le fusil : Le recul lié au tir peut endommager le matériel.
  • La soudure à l’arc : un arc électrique risque de se créer entre le boitier et l’outil qui endommagerait l’appareil.
  • Les travaux électriques : le patient ne doit pas risquer l’électrocution ou même un coup de jus. La charge électrique risque de rendre le DMI inopérant.

 

Le cas particulier du DAI :

 

Le DAI délivre une thérapeutique (un choc électrique), que le patient ait ressenti ou non de signe annonciateur (palpitation, malaise, perte de connaissance, …). Cela équivaut à une décharge électrique de faible intensité. Cela peut être impressionnant pour le patient et son entourage. Rappeler au patient que c’est la fonction du DAI de délivrer un choc quand le rythme cardiaque semble mettre en danger la vie du patient.

Après un choc, le patient doit rester au calme jusqu’à récupération complète. Il doit ensuite prévenir son rythmologue qui le recevra rapidement pour interroger le boitier qui garde en mémoire l’évènement. Le médecin pourra ainsi comprendre ce qui s’est passé et proposer si nécessaire d’a adapter le traitement ou de modifier le réglage de l’appareil.

Si le DAI délivre plusieurs choc en un temps court (moins de 24H) : le patient doit se rendre rapidement dans le service d’urgence les plus proche de chez lui ou appeler le SAMU-15. Il faut s’assurer immédiatement de son état de santé et de l’état de fonctionnement du DAI.

 

Pour en savoir plus :

Recommandation de l’ESC sur les patients porteurs d’un défibrillateur et la pratique du sport :

2020 ESC Guidelines on sports cardiology and exercise in patients with cardiovascular disease: The Task Force on sports cardiology and exercise in patients with cardiovascular disease of the European Society of Cardiology (ESC) 

European Heart Journal, Volume 42, Issue 1, 1 January 2021, Pages 17–96, https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehaa605

 

[1] https://www.ottawaheart.ca/fr/implantation-d%E2%80%99un-stimulateur-guide-%C3%A0-lintention-des-patients/cong%C3%A9-et-suivi-apr%C3%A8s-l%E2%80%99implantation-d. consulté le 25 Mai 2021

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