Activité physique et prothèses rythmiques implantables

Dr Hugues Blangy, CHRU de Nancy, Institut Louis Mathieu, Service de Cardiologie, Vandoeuvre lès Nancy

01/02/2022

 

Introduction

L’activité physique a tendance à diminuer dans nos sociétés occidentales de plus en plus sédentaires et ce n’est pas le développement du télétravail en réponse à la pandémie de Covid 19 qui devrait inverser cette évolution. Pourtant l’activité physique est encouragée par de nombreuses campagnes relayées par l’ensemble des médias. Les bienfaits sont nombreux et parfaitement démontrés : baisse du tonus sympathique, de la tension artérielle, de la fréquence cardiaque de repos, du risque thrombotique. Sur un plan métabolique, réduction du cholestérol total, des triglycérides, augmentation du HDL cholestérol, amélioration de l’équilibre glycémique. Mais aussi maintien du potentiel intellectuel, amélioration de l’état psychique, de la confiance en soi, diminution du risque de cancer et amélioration de l’espérance de vie. Aucun médicament ne fait mieux !

Chez le patient implanté d’un pacemaker (PM) ou d’un défibrillateur (DAI), certaines activités peuvent êtres contre-indiquées ou nécessiter au minimum des précautions. Nous verrons que cela concerne essentiellement les patients implantés d’un DAI, qui sont également en moyenne plus jeunes que ceux implantés d’un PM. A tel point qu’au début des années 2000, la très reconnue conférence de Bethesda contre-indiquait tous les sports d’intensité modérée à forte chez les patients implantés d’un DAI. Ces derniers se trouvaient limités à pratiquer le golf, le curling, le bowling et le tennis de table (figure 1). Et encore, pas en compétition. Les choses ont bien changé, heureusement car ces patients bénéficient au même titre que les autres personnes d’une activité physique régulière, d’autant plus qu’ils sont généralement aussi atteints d’une cardiopathie.

 

 

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Figure 1 : Classification des différents sports

 

Quelques règles sont néanmoins à respecter pour pratiquer une activité physique ou sportive lorsqu’on est implanté d’un PM ou d’un DAI.

 

Eviter les chocs directs

Les sports de contact sont à proscrire. Et cette restriction est valable aussi bien pour les patients implantés de PM que de DAI. Ce sont par exemple le football, basketball, handball, boxe évidemment … Il s’agit d’éviter de léser par un choc direct le couple boitier-électrode particulièrement exposé. 

Dans le même ordre d’idée, les sports qui mettent en jeu de façon répétée les épaules sont aussi à éviter. Ainsi le rameur par exemple. Ces mouvements répétés risquent de contraindre et éroder progressivement les électrodes prises dans la pince costo-claviculaire. Elles finissent par casser, ce qui se traduit sur un DAI par des chocs inappropriés.

Ainsi les sports ou activités recommandés sont plutôt d’endurance : course à pieds, natation, vélo.

 

L’activité physique augmente-t-elle le risque d’arythmie ?

L’activité physique peut jouer le rôle de facteur déclencheur, ou gâchette, d’une arythmie ventriculaire. Pour cela, il faut un substrat, c’est-à-dire une cardiopathie, et des facteurs de modulation qui facilitent la survenue du trouble du rythme : stress émotionnel, investissement psychologique, température, humidité, altitude... Or les patients implantés d’un DAI sont pour la plupart atteints d’une cardiopathie, à la différence de ceux implantés d’un PM. L’existence d’une séquelle d’infarctus, de fibrose intramyocardique sont autant de substrats susceptibles de permettre la naissance d’une arythmie ventriculaire.

Ainsi, l’activité physique est bénéfique à partir d’une certaine intensité mais peut avoir des effets au contraire délétères si elle est trop intense (figure 2).

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Figure 2 : la courbe en U

 

La protection conférée par le DAI autorise-t-elle le sport intensif ?

La question revient à se demander si dans un contexte d’activité physique ou sportive, l’organisme étant alors baigné de catécholamines, le DAI est aussi efficace qu’au repos ou au bloc opératoire sous anesthésie générale quand on réalise un test de défibrillation.

Les données parcellaires de la littérature sont parfois contradictoires. Nous avons tous en tête des images de footballeurs qui s’effondrent sur le terrain et qu’on ne parvient pas à réanimer malgré la mise en jeu très rapide des mesures de réanimation et de la défibrillation. Sous l’effet des catécholamines, une arythmie peut devenir résistante ou récidivante. Mais la publication de l’équipe de R Lampert en 2013 est plutôt rassurante : sur 372 athlètes implantés d’un DAI, pratiquant le sport intensif ou la compétition, suivis pendant 31 mois, aucun décès ou blessure consécutif à un choc n’est rapporté. Et pourtant on dénombre 10% de chocs en compétition ou pendant l’entraînement contre 6% au repos. Pour 8 patients, de multiples chocs ont été nécessaires mais il n’y a au final aucun échec de défibrillation. De plus les sondes étaient fonctionnelles dans 97% des cas à 5 ans et 90% des cas à 10 ans (1).

 

Comment prévenir le risque de choc inapproprié ?

Avec l’activité physique, la fréquence cardiaque augmente. Elle risque de dépasser la fréquence de détection programmée. Dans pareil cas, des algorithmes équipent les DAI pour éviter de délivrer une thérapie sur une tachycardie sinusale (TS) : ce sont essentiellement le début brutal (une TS débute progressivement, une TV brutalement) et la morphologie (la morphologie en TS est identique à celle du modèle). Mais ces algorithmes peuvent être pris en défaut : une extrasystole peut simuler un début brutal sur une TS, une aberration de conduction peut changer la morphologie de la TS. Et un DAI est conçu pour avoir une sensibilité de 100%, au détriment de sa spécificité. Le risque de traitement inapproprié est donc bien réel lorsque la fréquence cardiaque entre dans la zone de détection.

Pour se mettre le plus possible à l’abris de ce genre de complication, il ne faut pas hésiter à monter au maximum les zones de détection, et allonger la durée de détection. C’est une programmation déjà recommandée pour le patient lambda, en présence d’un sportif elle doit être absolument appliquée (figure 3).

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Figure 3 : Optimisation de la programmation chez le sportif

 

Recommandations européennes mises à jour en 2020

Si l’on met de côté les activités avec risque de choc direct, les recommandations à suivre sont celles qui concernent la cardiopathie sous-jacente, indépendamment de la présence de la prothèse implantable (figure 4). Dans certaines affections comme la dysplasie ventriculaire droite arythmogène, il est démontré que le sport intensif augmente le risque d’arythmie et surtout aggrave la maladie.

Ainsi en présence d’un PM, les autorisations sont larges. Dans le cas d’un DAI, l’activité physique reste largement encouragée, et en ce qui concerne le sport intensif ou la compétition, les autorisations doivent tenir compte du substrat sous-jacent, du risque plus élevé de traitement approprié et non approprié, de leur retentissement psychologique et des éventuelles conséquences pour le patient ou une tierce personne en cas de syncope ou d’incapacité temporaire.

On voit bien que la compétition n’est plus systématiquement interdite. Les décisions sont à prendre au cas par cas. Mais le souhait d’un athlète de poursuivre en compétition ne doit jamais constituer la principale indication à l’implantation d’un DAI (2).

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Figure 4 : recommandations ESC 2020

Conclusion

L’activité physique et le sport sont recommandés pour le patient implanté d’un PM ou d’un DAI au même titre que pour l’ensemble de la population en raison des nombreux effets bénéfiques. Mais c’est au prix de quelques restrictions, le plus souvent de bon sens. Les sports de contact doivent être prohibés. Dans le cas d’un PM, les restrictions sont rares dès lors qu’il n’existe pas de cardiopathie sous-jacente. Car c’est la cardiopathie qui peut être à l’origine de contre-indications, et non la simple présence de la prothèse. Ainsi s’il s’agit d’un DAI, l’activité physique, le sport intensif et même la compétition peuvent être autorisés, il s’agit d’une décision au cas par cas qui doit prendre en compte les conditions d’exercice et les conditions environnementales. Le patient doit toujours être informé que le risque de traitement approprié ou inapproprié augmente avec l’intensité de l’activité. Enfin, il doit savoir que le DAI n’évite pas le risque de syncope.

 

Conflits d’intérêts

Aucun conflit d’intérêt avec le sujet.

 

Références

1. Lampert R, Olshansky B, Heidbuchel H et al. Safety of sports for athletes with implantable cardioverter defibrillators : results of a prospective, multinational registry. Circulation 2013 ; 127 : 2021-30.

2. Pellicia A, Sharma S, Gati S et al. 2020 ESC guidelines on sports cardiology and exercise in patients with cardiovascular disease. Eur Heart J 2021 ; 42 : 17-96.

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