Pollution de l'air, changements climatiques, pollution sonore: quels effets sur le risque d'infarctus du myocarde?

Professeur Jean-François Argacha, Département de cardiologie, Universitair Ziekenhuis Brussel, VUB, Belgium

Mars 2023,

 

L'objectif de cet article est d'aborder les facteurs environnementaux pouvant influencer la survenue de la maladie coronaire, autant d'un point de vue épidémiologique que physiopathologique. En effet, une multitude de facteurs environnementaux agissent dans l'ombre des facteurs de risque traditionnels (Figure 1). La pollution particulaire est sans aucun doute le facteur environnemental influençant le plus le processus d'artériosclérose coronaire. La détérioration de la qualité de l'air augmente à la fois les risques à long et court terme de développer un infarctus du myocarde. Les vagues de froid augmentent elles aussi l'incidence des syndromes coronariens, mais les conséquences des épisodes caniculaires et du réchauffement climatique global sont encore difficiles à estimer. Vis-à-vis de la pollution sonore, l'exposition au bruit issu du trafic routier et du trafic aérien a montré des effets péjoratifs sur la maladie coronarienne. Pris isolément, chacune des études présentées dans cet article illustre qu'il est grand temps de considérer la maladie coronaire sous un prisme environnemental. Cependant, seule une approche "exposomique", visant à intégrer les effets cumulés de différents facteurs environnementaux, sera à même de prédire le risque cardiovasculaire environnemental propre à un patient.  

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FIGURE 1 : Vue d’ensemble du risque cardiovasculaire environnemental

Abréviations: POPs : Polycyclic organic pollutants, PAC : plastic associated chemical.

                                                         Les fleches pleines indiquent des interactions déjà étudiées alors que les flèches en point tillées indiquent une absence de données scientifique sur l’effet cumulé de ces expositions.

 

Pollution de l’air 

Définition

La pollution de l’air est composée de matières gazeuses et de matières particulaires. Les principaux gaz sont les oxydes d’azote (NOx) incluant le dioxyde d’azote (NO2) et le monoxyde d’azote (NO), le monoxyde de carbone, le dioxyde de soufre, l’ozone ainsi que les composés organiques volatiles et semi volatiles. Le trafic routier est la principale source de NOx, et le NO2 est issu majoritairement des motorisations diesel. Les particules sont le plus souvent classées suivant leur taille. On distingue les particules dites « grossières » appelées PM 10 (diamètre <10µm), les particules fines PM 2.5 (diamètre <2.5µm), et les particules ultrafines également appelées nanoparticules (diamètre <0.1µm). Au-delà de leur taille, les particules fines diffèrent surtout de manière qualitative, en fonction qu’elles soient d’origine minérale ou issues de processus de combustion. Ainsi, les particules issues du trafic routier ont un noyau formé d’atomes de carbone pur qui sont coiffés à leur surface par de nombreuses molécules toxiques (hydrocarbures aromatiques polycycliques, métaux dits de « transition » du fait de leur capacité à initier des réactions oxydatives)[1]. Dans les métropoles, le trafic routier peut représenter 30 à 40 % des émissions de particules et plus de 60 % des émissions de dioxyde d’azote[2]. De plus 90 % des particules émises par le trafic routier sont dans la gamme des particules fines et ultrafines exerçant une toxicité particulière pour le système cardio-vasculaire du fait que, plus les particules sont fines, plus leur surface utile de transport de molécule toxique est importante.

 

Données épidémiologiques

Le dernier rapport de l'Agence Européenne de l'Environnement estime que la pollution de l'air est responsable de 400000 morts prématurés par an dans l'EU-28, dont 112000 par cardiopathie ischémique [3]. Ces effets coronariens de la pollution de l'air présentent un double visage avec des effets à long termes, et des effets à court terme. Ainsi, il est fondamental de percevoir la pollution de l'air en tant que facteur de risque agissant sur le long terme, mais également en tant qu'évènement déclencheur de syndromes coronariens. 

Sur le long terme, une méta-analyse de 2013 a démontré une augmentation moyenne de 13 % de la mortalité cardio-vasculaire pour chaque augmentation de 10 µg/m3 de la concentration annuelle en PM2.5 enregistrée à l'adresse de domicile[4]. La pollution particulaire n’est pas la seule incriminée puisqu’il a été observé une augmentation similaire de mortalité cardio-vasculaire associée au NO2[5]. La mortalité par cardiopathie ischémique est la plus impactée[6]. De nombreuses études ont mis à l’avant plan une association entre l'exposition à la pollution de l’air et la survenue à long terme d'infarctus myocardique. Une vaste étude prospective européenne a récemment démontré une augmentation de 12 et 13 % du risque d’infarctus pour chaque augmentation annuelle de respectivement 10 et 5 µg/m3 en PM10 et PM2.5[7]. Cette étude a par ailleurs démontré que cette augmentation du risque était présente même pour des concentrations en polluant en dessous des normes européennes. De nombreuses études ont également établi qu’une exposition sur plusieurs années à la pollution de l’air augmente le risque d’athérosclérose, et notamment le risque de calcification coronarienne[8]. Les polluants du trafic routier sont les principaux incriminés dans le développement de l’artériosclérose. En effet, le risque d’avoir un score coronaire calcique élevé était augmenté de 63 % et 34 % chez les personnes habitant respectivement à moins de 50 m, et entre 50 et 100 mètres d’un axe routier majeur comparativement à celles habitant à plus de 200 m[9].

Sur le court terme, les pics de pollution sont également associées à une augmentation du risque d'infarctus myocardique[10]. Une méta-analyse passant en revue les différent facteurs pouvant être à l’origine du déclenchement d’un processus d'infarctus myocardique, a démontré que l'exposition à la pollution de l'air et au trafic routier sont, à l’échelle de la population, les principaux facteurs déclenchant d'infarctus du myocarde[11]. Concernant plus spécifiquement l'augmentation du risque d'infarctus STEMI, une étude menée en Belgique a prouvé que chaque augmentation de 10 µg/m3 en PM2.5 était associée dans les 24h suivantes, à une augmentation du risque de 2,8 % de survenue d’un infarctus myocardique. De manière encore plus marquée qu’avec la pollution particulaire, une augmentation en NO2 de 10 µg/m3 était quant à elle associée à une augmentation du risque de STEMI de 5,1 % [12]. Les mêmes investigateurs ont également observée une diminution de 26 % des admissions pour infarctus STEMI en Belgique durant la période de lock-down liée à la pandémie du COVID-19[13]. Cependant, même si la qualité de l'air observées durant cette période de moindre trafic routier a vu une chute de 32% des concentrations de NO2, celles-ci n’étaient pas suffisantes pour expliquer à elles seules l’ampleur de la diminution des admissions pour infarctus STEMI.

 

Données physiopathologiques

De nombreuses études ont été réalisées chez l'homme et chez l'animal pour comprendre les mécanismes physiopathologiques des effets de la pollution de l’air (Figure 2). L’exposition aux polluants de l’air engendre principalement une activation du système nerveux sympathique et une cascade oxydativo-inflammatoire dans la paroi vasculaire. Le stress oxydatif généré par la pollution est principalement attribuable aux composés véhiculés à la surface des particules diesel, notamment les hydrocarbures aromatiques polycycliques et les métaux de transition[14]. Cette réaction oxydative va réduire la biodisponibilité de l’oxyde nitrique (NO), régulateur clef des principales fonctions endothéliales[15]. Les répercussions fonctionnelles de cette dysfonction endothéliale sont bien établies, notamment au niveau des circulations myocardiques et pulmonaires[16][17].  Outre la dysfonction endothéliale, ce stress oxydatif va entrainer une altération des lipides et des lipoprotéines circulantes, favorisant l'oxydation des LDL et altérant les capacités anti-oxydantes des HDL[18]. Les LDL oxydés pourront ainsi activer les cellules endothéliales et migrer plus facilement dans l'espace sous endothéliale. Enfin, comme démontré par l’élévation des molécules d'adhésion pro-inflammatoire, le recrutement des monocytes circulant, leur diapédèse et leur différenciation en macrophages spumeux sont facilités par l’exposition à la pollution diesel[19]. La pollution de l'air induit aussi des lésions endothéliales par apoptose cellulaire[20], la dégradation des protéines de jonction intercellulaire[21], ainsi qu’une diminution du niveau circulant de cellules endothéliales progénitrices[22]. L'exposition aux particules fines s'accompagne enfin d'une élévation de l'interleukine 6 qui conduit à une augmentation du fibrinogène, du facteur VIII et du facteur tissulaire[23]. Ainsi, en exerçant à la fois un stress oxydatif endothélial, une réaction inflammatoire vasculaire et des effets pro-agrégants, l’exposition à la pollution de l'air a la capacité d’initier des processus athéro-thrombotiques tel que l'infarctus du myocarde.

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FIGURE 2: Physiopathologie globale des influences environementales sur le risque de mortalité cardiovasculaire

Température de l’air

Données épidémiologiques

Les effets des changements de température et d'humidité de l'air sont connus depuis l'antiquité. Il existe une saisonnalité de la mortalité cardiovasculaire qui est plus marquée en hiver. Au niveau de la mortalité cardiovasculaire, une étude Néerlandaise retrouve une courbe en V, caractérisée par une réaugmentation de la mortalité de 1.86% et de 1.69% pour des variations à la hausse ou à la baisse de 1°C autour d'un point de  température optimale observé à 16.5°C. Après ajustement pour les infections respiratoires hivernales, une étude menée dans 48 villes américaines a démontré que la mortalité cardiaque augmente de 1.6% quand les températures chutent de 0 à -5°C[24]. Vis-à-vis des infarctus du myocarde, l'étude MONICA, qui a suivi plus de 254000 hommes pendant 10 ans, a démontré qu'une diminution de 10°C de la température de l'air était associée à une augmentation de 13% des infarctus du myocarde, essentiellement dans les groupes les plus âgés[25]. Une étude menée en Belgique a démontré qu'une réduction de 10°C augmente le risque de 8 % d'infarctus STEMI.  Ces effets des températures froides diffèrent tout de même selon les régions, et sont plus marqués dans les régions à climat chaud. En Sibérie par exemple, des températures extrêmement basses de -48°C ne semblent pas affecter la mortalité coronaire, alors que les effets de périodes de refroidissement sont marqués dans les régions méditerranéennes[26,27]. Le changement climatique se caractérise par des vagues de froids et des épisodes caniculaires de plus en plus répétés et de durée de plus en plus longue. Il y a encore peu d'études scientifiques propre à l'analyse des effets de ces périodes de changements brutaux de température sur la mortalité cardiovasculaire et les syndromes coronariens aigus.  Une méta-analyse des 23 essais disponibles a retrouvé un effet très net des vagues de froid avec une augmentation de 13% des infarctus dans les 3 jours suivant[28]. En revanche, les épisodes caniculaires n'étaient pas associés à une recrudescence des syndromes coronariens aigus mais à une augmentation de leur mortalité intra-hospitalière. Les potentiels effets cardiovasculaires du réchauffement climatique globale sont encore moins documentés. Deux théories s’affrontent : Le scénario optimiste considère que le réchauffement climatique globale devrait diminuer la mortalité cardiovasculaire liée aux températures froides ; alors que le scénario pessimiste considère que les variations de plus en plus extrêmes des températures devraient l'aggraver.

 

Données physiopathologiques

Différents mécanismes expliquant les effets coronariens de l'exposition au froid ont été proposés (Figure 2). La transduction des effets du froid s’effectue essentiellement par les thermorécepteurs cutanés et pulmonaires. Les thermorécepteurs les plus sensibles sont ceux de la peau du visage et de la muqueuse nasale. L'exposition au froid génère un état pro-adrénergique caractérisé par le relargage de catécholamines surrénaliennes. Cette réaction orthosympathqiue est probablement lié à la convergence d’afférences sensitives vers les structures régulatrices centrales de l’équilibre sympatho-vagale[29]. En conséquence, le froid entraine une vasoconstriction périphérique qui va influencer indirectement la circulation centrale par des changements de réflexion de l'onde de pouls. En état de vasoconstriction périphérique, l'onde de pouls incidente émise par la systole cardiaque « rebondit sur le mur artériolaire » de manière plus précoce et plus intense[30]. L’onde réfléchie vient alors renforcer la partie systolique de l'onde incidente au détriment de sa partie diastolique. Ces altérations de la pression centrale augmentent le travail myocardique et diminuent la pression de perfusion sous-endocardique. Ceci survient alors que, dans le même temps, le froid augmente la viscosité sanguine et les concentrations de fibrinogène par des effets diurétiques responsables d’une hémoconcentration. Les mêmes phénomènes d'hémoconcentration ont été rapporté lors des expositions à la chaleur.

 

Pollution sonore

Définitions

Il existe différentes sources de bruit environnemental mais les effets cardiovasculaires du bruit sont surtout associés au bruit en provenance du trafic routier et aérien.   Le bruit est exprimé en décibel à l'aide d'une échelle logarithmique pour mesurer les niveaux de pression acoustique (SPL). Après pondération de la sensibilité de l'oreille humaine à différentes fréquences sonores, le bruit est exprimé en SPL moyen pondéré (LAeq). LNight désigne le LAeq pendant les heures de nuit. L'indice LDN (niveau jour-nuit) correspond à un LAeq sur une période de 24 h avec une pénalité de 10 dB pour l'exposition au bruit nocturne. L'indice LDEN (niveau jour-soir-nuit) est de nature très similaire au LDN, mais avec une pénalité supplémentaire de 5 dB pour la période du soir. L'OMS considère que 30% de la population européenne est exposée à une LNight supérieure à 55dB[31]. Cependant, l'exposition personnelle à la pollution sonore est complexe et ne peut être uniquement réduite à un niveau sonore. D'autres caractéristiques acoustiques sont importantes, telles que le spectre de fréquences, le cumul de différentes sources et certains paramètres psycho-acoustiques. En effet, pour un même niveaux de décibels, différentes sources de bruit peuvent produire des effets individuels différents et générer des courbes exposition-réponse différentes[32]. Certaines études suggèrent ainsi que pour un même niveau de dB, le bruit du trafic aérien serait plus dérangeant que le bruit du trafic routier[32].

 

Données épidémiologiques

La gêne induite par le bruit est un facteur environnemental important influençant la santé cardiovasculaire[33].  Le rapport de l'OMS de 2018 pour la région européenne indique que le risque de cardiopathie ischémique augmente continuellement pour des niveaux de bruit de la circulation routière à partir d'un LDEN d'environ 50 dB[34]. Au-dessus de ce seuil, l’association entre le bruit du trafic routier et l'incidence de la maladie coronaire semble suivre une relation linéaire[35]. Indépendamment des concentrations en polluants à l’adresse résidentielle, vivre plusieurs années à proximité d’un axe routier majeur augmente significativement la mortalité cardiovasculaire[36]. Ainsi, une étude prospective démontre que vivre à moins de 50 m d'un axe routier augmente de 38% la mortalité cardio vasculaire comparativement au fait d'habiter à plus de 500 m, et ce, malgré la prise en compte de facteurs confondants tel que le statut socio-économique[37]. L'étude Heinz–Nixdorf Recall a examiné le score de calcification de l'aorte thoracique (TAC) en fonction des niveau d'exposition à la pollution  atmosphérique et au bruit de la circulation[36]. Cette étude portant sur plus de 4200 participants a démontré qu'une surexposition au bruit de la circulation pendant la nuit était associé à un score calcique aortique plus élevé. Chaque augmentation de 5 dB du niveau de bruit nocturne était associé à une augmentation de 3,9% du score calcique aortique, et ce y compris après ajustement pour le niveau d'exposition aux particules fines. Cette étude suggère donc une effet indépendant de l'exposition nocturne au bruit issu de la circulation routière  sur la survenue d'une artériosclérose préclinique. Une méta-analyse de 14 études sur la relation entre le bruit de la circulation routière a rapporté une augmentation de 8% de la prévalence de la maladie coronaire pour une augmentation de 10 dB dans la plage de LDEN allant de 53 à 78 dB[37]. Une autre méta-analyse de 10 études portant cette fois ci sur la relation entre le bruit en provenance du trafic aérien et la prévalence de la maladie coronaire a retrouvé des résultats comparables avec une augmentation de 6% pour une chaque augmentation de 10 dB dans la plage LDEN entre 48 à 68 dB[35]. Une vaste étude de cohorte réalisée en Suisse portant sur la population vivant à proximité d'un aéroport, a observé une tendance à l'augmentation de la mortalité par infarctus du myocarde lorsque les personnes étaient exposées à un LDN ≥ 60 dB[38]. Toutefois ces effets du bruit en provenance du trafic aérien n’atteignaient le seuil de significativité statistique que pour les personnes qui avaient vécu dans le même endroit pendant au moins 15 ans. Dans une autre étude réalisée sur la population vivant à proximité de l'aéroport d'Heathrow, une augmentation de 21% de la prévalence de la maladie coronarienne a été observée chez les personnes vivant dans les zones où les niveaux de bruit des avions pendant la journée étaient les plus élevés (> 63 dB vs ≤51 dB)[39].

 

Données physiopathologiques

Relativement peu d'études ont examiné les mécanismes sous-tendant les effets vasculaires de la pollution sonore et tenter de déterminer pourquoi l'exposition au bruit nocturne semble exercer un effet particulièrement délétère sur le système cardiovasculaire[40]. Un étude a examiné sur un groupe de 75 volontaires sains les effets endothéliaux d'une exposition à un bruit nocturne de trafic aérien de 60 dB, reproduit en laboratoire à l'aide de haut-parleurs[41]. La fonction endothéliale de l'artère brachiale a diminué à mesure que l'exposition au bruit augmentait. En outre, l'effet du bruit était plus prononcé lors d'une deuxième exposition, suggérant un effet cumulatif des expositions répétées au bruit. Dans un petit sous-groupe de cette étude, la vitamine C a pu inverser le dysfonctionnement endothélial induit par le bruit, suggérant l'implication d'une réaction vasculaire oxydative dans les effets endothéliaux du bruit. Une étude similaire, mais réalisée chez 60 patients présentant un risque élevé de maladie coronarienne, a reproduit les même résultats[42]. Ces modifications de la fonction endothéliale artérielle liées au bruit ont été initialement attribuées à la libération d'hormones de stress, capables d'agir directement sur la surface endothéliale. En effet, le bruit nocturne est suivi d'une réponse de stress caractérisée par une libération de catécholamines et par un déséquilibre du système nerveux autonome au profit du tonus orthosympathique (Figure 2). Les effets sympathomimétiques de l'exposition au bruit sont probablement déclenchés indirectement par le système limbique dans le cadre d'une réaction émotionnelle secondaire à l’inconfort perçu. Une autre possibilité est une interaction physiologique non consciente, mais plus directe, entre le système auditif et les structures de régulation centrale du système nerveux autonome[32]. Comme précédemment décrit avec le froid, la projection de certaines afférences sensitives ou sensorielles sur des structures régulatrices de l'homéostasie cardiovasculaire (baroréflexe, chemoréflexe) pourraient être impliquées dans la genèse des effets cardiovasculaires du bruit, y compris lors des expositions à des niveaux de bruit relativement faibles[29,43]. Outre les réactions sympathiques, des études animales suggèrent également une libération de cortisol et une augmentation des marqueurs inflammatoires lors de l'exposition au bruit[40].

 

De la nécessité d'une approche exposomique

L'évaluation du profil de risque cardiovasculaire d'un patient repose naturellement sur l’intégration des influences cumulées du tabagisme, du cholestérol, de l'hypertension et du diabète. Cette approche multiparamétrique se fait traditionnellement à l'aide d'échelle de risque comme l'échelle Score de la Société Européenne de Cardiologie (Figure 3A).  Une approche du même type est évidemment nécessaire pour analyser l'influence globale des facteurs environnementaux sur la santé cardiovasculaire. En effet, la réalité écologique veut que chaque individu est exposé à un «cocktail» de produits chimiques, de particules fines, de pollutions sonores et d'ondes électromagnétiques. Or, la plupart des études qui ont été présentées dans cet article ont étudié l'effet propre d'un polluant sur la maladie coronarienne. Une telle approche scientifique ne correspond pas à la nature multifactorielle de la pollution et ne questionne pas la possibilité d'une interaction entre les polluants. De plus, il existe probablement une vulnérabilité de certaines populations aux effets de l'environnement en raison de facteurs de préexistants ou de facteurs sociaux économiques. Une approche statistique tenant compte à la fois, de la nature multifactorielle des polluants, et de la possible prédisposition de certains patients, est nécessaire afin d'aboutir à une évaluation du risque cardiovasculaire environnementale (Figure 3B). Cependant la tâche est extrêmement complexe. En effet une telle approche "exposomique" nécessite un échantillon d'étude de grande dimension qui requiert de travailler avec des outils statistiques dédiés.  En effet, la plupart des études actuelles se basent sur des statistiques inférentielles « classiques », en utilisant des modèles linéaires pour décrire les effets d'un polluant donné. Une telle approche est vite limitée dans une analyse "multi-polluants" par des phénomènes de colinéarité liés aux fortes corrélations qui existent entre les polluants. Par exemple, les polluants particulaires augmentent en période de froid et il est donc difficile de séparer les effets du froid de ceux des polluants particulaires. De même les expositions aux bruits du trafic routier et aux polluants de l'air étant liées l'une à l'autre, l'analyse de leurs effets propres sur la maladie coronaire est limitée par les modèles actuels.

 

Pollution 3

FIGURE 3: Finalité de l'approche exposomique : l’évaluation du risque cardiovasculaire environnemental.

La figure 3 B est un fac-similé du risque Score de maladie cardiovasculaire mais transposé à une évaluation du risque cardiovasculaire environnemental.

 

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