L’hypertension artérielle : un fléau que l’on peut vaincre!

 

Décembre 2021, Rédigé par Nelly Bonis, Christelle Nonclerq, Pr Jacques Amar, CHU de Rangueil, Toulouse

 

L’hypertension artérielle (HTA) est d’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le facteur de risque cardiovasculaire le plus important au niveau mondial. En France, elle concerne environ 15 millions de personnes.

L’HTA correspond à une élévation chronique de la pression artérielle (PA). La PA est la force exercée par le sang sur la paroi des artères. Elle varie dans la journée en fonction des efforts, des émotions. Elle a tendance à baisser la nuit et à remonter de manière physiologique au petit matin.

L’HTA est le plus souvent silencieuse, insidieuse avec peu ou pas de symptômes. Elle retentit principalement sur trois organes : le cœur (insuffisance coronaire et/ou insuffisance cardiaque), le cerveau  accident vasculaire cérébral (A.V.C)  ou démence et les reins (insuffisance rénale). Dans la majorité des cas, il n’existe pas de cause connue à l’HTA bien que l’on puisse fréquemment mettre en évidence des facteurs favorisant notamment un excès de consommation de sel ;d’alcool ; la prise d’une contraception œstro-progestative. Dans seulement 5-10 % des cas, elle est secondaire à une maladie rénale (ex : glomérulopathie…), à une cause hormonale (ex : maladie de Cushing, syndrome de Conn..), ou vasculaire (ex : coarctation de l’aorte).

Le traitement de l’HTA permet de réduire le risque d’AVC de 40%, d’infarctus du myocarde d’environ 25%, d’insuffisance cardiaque de 60% et de démence d’environ 20%. En France, près de la moitié des hypertendus traités est contrôlée. De plus, au cours des dix dernières années, il a été noté chez les femmes un recul dans l’accès au traitement antihypertenseur. (1)

 

Tof hta

 

Le dépistage et le diagnostic de l’HTA

La plupart des hypertendus ne ressentent aucun symptôme. C’est pourquoi la Haute Autorité de Santé (HAS) (2) recommande que tous les professionnels de santé, médecin et infirmiers notamment mesurent régulièrement la PA de leur patient pour dépister une hypertension artérielle.

L’HTA est définie par une élévation permanente de la PA en consultation mesurée au moins à deux reprises avec un brassard adapté alors que le patient est au calme -sans qu’on lui parle-  en position assise ou allongée et au repos depuis au moins 5 minutes ;

- supérieure ou égale à 140 mm Hg pour la PA systolique (PA au moment de la contraction du cœur),

 - et/ou supérieure ou égale à 90 mm Hg pour la PA diastolique (PA minimale au moment du repos du cœur).

Lors du dépistage, il faut compléter ces mesures par une mesure de la PA aux deux bras. Une différence entre les deux bras ≥ à 20 mm Hg pour le PA systolique ou ≥ à 10 mm Hg pour la pression diastolique doit faire rechercher notamment une sténose d’une artère sous clavière.

Il faut aussi rechercher une hypotension orthostatique. Pour cela, il faut demander au patient de se mettre debout et mesurer sa PA  après 1 et 3 minutes. Une baisse ≥ à 20/10 mm Hg est pathologique. Cette recherche devra être répétée après l’installation ou la modification du traitement et bien entendu en cas de survenue de signes évocateurs d’hypotension orthostatique (par exemple : un malaise le matin au lever ou après le repas notamment.)

La plupart du temps asymptomatique, les symptômes de l'hypertension artérielle peuvent comprendre :

  • des maux de tête permanents ou importants au réveil
  •  l’essoufflement
  • des troubles de la vision
  • des palpitations
  • des saignements de nez

Une fois le diagnostic d’HTA suspecté sur la base de la PA de consultation, la HAS recommande d’utiliser l’’automesure tensionnelle (AMT) pour confirmer le diagnostic d’HTA en identifiant les HTA « blouse blanche » et/ou contrôler l’efficacité du traitement. De plus l’AMT est un facteur d’amélioration de l’observance au traitement, à condition que la personne hypertendue soit formée à l'usage de cette technique. Pour rendre un recueil d’AMT interprétable, la Haute Autorité de santé (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2016-10/fiche_memo_hta__mel.pdf) propose :

  • d’utiliser un appareil validé et de préférence avec un brassard huméral
  • de former le patient à la technique de l’AMT (et si besoin son entourage). Il s’agit de prendre les mesures en position assise, au repos avec l’avant-bras posé sur la table,
  • d’effectuer 3 mesures le matin avant le petit déjeuner et la prise de médicaments, 3 mesures avant le coucher, 3 jours de suite (« règle des 3»), en espaçant les mesures de quelques minutes
  • de demander au patient de noter par écrit les valeurs de PA (systolique et diastolique) et de la FC observées.

La « moyenne des 18 valeurs de PA en AMT correspondant à une HTA est une PA systolique  ≥ 135 mm Hg ou PA diastolique  ≥ 85 mm Hg »

Les patients qui ont une PA élevée en consultation et une moyenne des valeurs de PA en AMT<135/85 ont une HTA dite «  HTA blouse blanche ». Cette forme d’HTA n’impose habituellement pas de traitement médicamenteux. Elle relève habituellement de mesures hygiéno-diététiques et d’un suivi régulier de la PA par auto-mesure car beaucoup de patients affectés d’une HTA blouse blanche finiront par développer une HTA permanente.



Dépistage des facteurs de risque cardiovasculaire associés à l’HTA

Le diagnostic de l’HTA est l’occasion de dépister les autres facteurs de risque cardiovasculaire dont la prise en charge va aussi améliorer le pronostic cardiovasculaire. Cela d’autant que les hypertendus sont plus fréquemment que le reste de la population affectés d’un diabète ou d’une dyslipidémie. Il faut donc proposer, une fois le diagnostic d’HTA posé, une recherche de diabète par un dosage de glycémie à jeun et une exploration d’anomalie lipidique. Bien entendu, il faut rechercher un tabagisme et commencer à discuter de l’intérêt du sevrage.

Il est aussi utile pour évaluer le risque global des patients  de s’intéresser aux marqueurs de risque tels que les antécédents familiaux ou une catégorie socio-économique défavorisée.

 

Dépistage des facteurs favorisant l’HTA et la résistance au traitement antihypertenseur

Il existe une multitude de causes qu’il faut prendre en compte afin de pouvoir y remédier. On note :

Une consommation excessive de sel peut contribuer à l’apparition de l’HTA : Il faut tendre vers une consommation de sel d’environ  6 grammes par jour. Il faut tenir compte des sels cachés dans l’alimentation : fromage, charcuterie, l’alimentation agro-alimentaire etc…

Une consommation excessive d'alcool : il faut limiter la consommation à deux verres maximum par jour et pas tous les jours. En effet, l’alcool fait augmenter la pression artérielle et est un facteur de risque important d’AVC.

La découverte d’une HTA sous œstro-progestatifs doit conduire à proposer un changement de mode de contraception car ces médicaments sont des facteurs d’HTA et contribuent ainsi à la survenue d’AVC chez des patientes jeunes.

La prise chronique d’anti-inflammatoires stéroïdiens ou non stéroïdiens peut contribuer notablement à l’élévation de la pression artérielle et à la résistance au traitement. On y pensera notamment chez les patients ayant des problèmes rhumatologiques.

la sédentarité : la pratique d’une activité physique régulière (ex : 30 minutes  de marche quotidienne) facilite le contrôle de l’HTA,

En cas de surpoids : une réduction du poids est recommandée pour faciliter le contrôle de l’HTA

La consommation régulière de réglisse est à proscrire sous quelque forme que ce soit car elle facilite la survenue d’une HTA avec une baisse de la kaliémie.

 

Dépistage des complications cardiovasculaires

Lors du diagnostic de l’HTA, il faut rechercher la présence de complications cardiovasculaires. Cela repose sur l’interrogatoire du patient et son examen clinique: recherche d’angine de poitrine, de douleurs dans les jambes à la marche, essoufflement à l’effort, de séquelles d’accident vasculaire cérébral notamment.  Chez les patients de plus de 75 ans, on évaluera le MMSE (outil de dépistage des atteintes neurocognitives majeures) à la recherche de signes de démence. De façon systématique, un électrocardiogramme et un dosage de la créatininémie avec calcul du débit de filtration glomérulaire (DFG)  seront réalisés.

 

Dépistage d’une cause de l’HTA

Lors du diagnostic de l’HTA, il sera recherché une forme secondaire. Cette recherche repose sur l’interrogatoire et la pratique d’examen biologique simple : dosage de la kaliémie, examen cytologique des urines et protéinurie. Les patients hypertendus avant l’âge de 30 ans, les patients présentant une HTA sévère d’emblée et ceux qui ont des signes évocateurs d’HTA secondaire sur le bilan de dépistage devront être adressés à des services spécialisés dans la prise en charge de l’HTA.

 

Le traitement de l’HTA

La cible de la PA à atteindre est une moyenne de PA de consultation inférieure à 140/90 mm Hg et une moyenne des pressions artérielles en auto-mesure inférieure à 135/85 mm Hg.

 Chez les patients de plus de 80 ans en référence aux résultats d’études avec tirage au sort et au risque iatrogène la cible est une PA systolique de consultation inférieure à 150 mm Hg et inférieure à 145 mm Hg en automesure et cela sans qu’il y ait d’hypotension orthostatique.

Ces objectifs de pression artérielle sont à atteindre dans les 6 mois qui suivent le diagnostic.

 

Comment les atteindre ?

Il faut proposer chez tous les hypertendus y compris les hypertendus « blouse blanche » la mise en place de mesure hygiéno-diététiques. Celles-ci reposent notamment sur l’arrêt du tabac, des apports en sel de l’ordre de 6-8g par jour, une consommation d’alcool qui n’excèdent pas deux verres de vin (ou l’équivalent) par jour et pas tous les jours, une activité physique régulière, des habitudes alimentaires privilégiant la consommation de fruits et de légumes.

 

Lorsque ces mesures ne suffisent pas à contrôler l’HTA, La Haute Autorité de Santé recommande en priorité 4 classes médicamenteuses:

 - les diurétiques  augmentent l’élimination du sodium par les reins et ainsi font diminuer la PA

Liste non exhaustive des diurétiques : Esidrex®, Furosémide (Lasilix®), Indapamide (Fludex®), Modamide®, Spironolactone (Aldactone®)…

Chacune de ces molécules à des propriétés et donc des indications spécifiques. Leur administration impose une surveillance régulière des électrolytes sanguins et de la fonction rénale.

- les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) limitent la production de composés vasoconstricteurs (comme l’angiotensine par exemple) et permettent une diminution de la tension artérielle.

Liste non exhaustive des IEC :Captopril (Lopril®), Énalapril (Renitec®), Lisinopril , Périndopril (Coversyl®), Quinapril (Acuitel®), Ramipril (Triatec®).

 Leur administration impose une surveillance régulière des électrolytes sanguins et de la fonction rénale. Parmi leurs effets indésirables les plus fréquents figurent la toux.

 - les inhibiteurs calciques (ICA)  bloquent l'entrée du calcium dans les cellules du coeur et des artères, favorisant leur relaxation et ainsi provoquent une baisse de la PA.

Liste non exhaustive des inhibiteurs calciques : Amlodipine (Amlor®), Caldine®, Diltiazem (Mono-Tildiem®), Félodipine (Flodil®),Lercanidipine (Lercan®), Nicardipine (Loxen®), Vérapamil (Isoptine ®).

Il faut distinguer dans cette liste les inhibiteurs calciques de la famille des dihydrpyridines dont le suffixe est « dipine » : ce sont les plus usitées car ils ne provoquent pas de bradycardie à l’inverse du diltiazem et du verapamil. Parmi leurs effets indésirables les plus fréquents figurent les œdèmes des membres inférieurs.

 - les sartans (ARA II) empêchent l’action de l'angiotensine II, substance hypertensive.

Liste non exhaustive des ARA II : Candésartran (Atacand®, Kenzen®), Aprovel®, Losartan (Cozaar®), Valsartan (Tareg®).

Leur administration impose une surveillance régulière des électrolytes sanguins et de la fonction rénale.

-  les bêtabloquants peuvent aussi être utilisés en première intention mais selon la Haute Autorité de santé semblent moins protecteurs vis-à-vis du risque d’accident vasculaire cérébral.

Liste non exhaustive des bêtabloquants : Acébutolol (Sectral®), Aténolol (Ténormine®), Bisoprolol (Detensiel®), Céliprolol (Célectol®), Corgard®, Métoprolol (Lopressor®, Seloken®), Nébivolol (Nebilox®, Temerit®), Propranolol (Avlocardyl®), Trandate®)…

Nous n’abordons pas dans cet article la problématique de l’HTA et de la grossesse. Il faut cependant se rappeler que au sein de ces classes seules la nifedipine, la nicardipine et le labetalol sont utilisables en cas de grossesse et que les inhibiteurs d’enzyme de conversion et les sartans sont contre indiqués car tératogènes.

 

La prise en charge de l’HTA s’inscrit sur le très long terme. En effet il n’y a pas dans la grande majorité des cas, de traitement curatif et le patient devra s’astreindre tout au long de sa vie à la mise en œuvre de ces mesures médicamenteuses et hygiéno-diététiques.  Au fil du temps, la stratégie thérapeutique devra s’adapter aux co-morbidités et aux effets indésirables des médicaments. De ce fait, le suivi, l’écoute, l’information et l’éducation thérapeutique du patient jouent un rôle fondamental dans le succès de la prise en charge.  La Haute Autorité de Santé, à travers ses recommandations de 2005  consacre un chapitre à l’éducation et l’information des patients : « l’implication du patient dans sa maladie doit être un objectif majeur de la prise en charge pour améliorer l’observance. Les enjeux doivent être expliqués au patient, il faut le former à la pratique de l’automesure et privilégier sa qualité de vie en évaluant régulièrement la tolérance aux traitements ». (3)

L’observance thérapeutique ainsi que l’éducation, le soutien et le suivi par les acteurs de santé (IDE, médecin, pharmacien, diététicien,...) sont les clés pour une prise en charge optimale des patients hypertendus. L’association des divers acteurs de la santé contribuent à limiter et retarder cette maladie « silencieuse et tueuse ». C’est un enjeu prioritaire pour limiter le risque cardio-vasculaire. (4)

En conclusion, l’HTA concerne 15 millions de français. Le contrôle de l’HTA réduit considérablement le risque d’AVC, d’infarctus, d’insuffisance cardiaque, d’insuffisance rénale et de démence.  En France, seul un hypertendu traité sur deux est contrôlé et on observe au cours des dix dernières années un recul dans l’accès au traitement antihypertenseur chez les femmes.  Le dépistage de l’HTA est l’affaire de tous les professionnels de santé.  La prise en charge de l’HTA repose sur les mesures hygiéno-diététiques et les traitements médicamenteux. Sur le long terme, le succès de cette prise en charge repose avant tout sur le suivi et  l’éducation du patient.

 

BONIS Nelly, NONCLERQ Christelle (infirmières), Pr AMAR Jacques

Hôpitaux de Toulouse  C.H.U de Rangueil

Service Hypertension artérielle & thérapeutique

 

 

 

Références :

(1) Perrine AL, Lecoffre C, Blacher J, Olié V. L’hypertension artérielle en France: prevalence, traitement et contrôle en 2015 et evolutions depuis 2006. Bull Epidémiol Hebd. 2018 ;( 10):170-9. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/10/2018_10_1.html

(2) Haute Autorité de santé Prise en charge de l’hypertension artérielle de l’adulte- Septembre 2016 https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2016-10/fiche_memo_hta__mel.pdf

(3) Comité Français de Lutte contre l’Hypertension Artérielle (CFLHTA) et Société Française d’Hypertension artérielle (SFHTA). Livret objectif 2015

(4) www.ameli.fr

Vous devez être connecté pour poster un commentaire