Diabète et risque cardiovasculaire

Karen Lacquit, infirmière en pratique avancée endocrinologie diabète et nutrition, Hospices Civils de Lyon

Mai  2022

 

Le diabète est un facteur de risque vasculaire reconnu. Nous allons d’abord aborder la définition du diabète et la physiopathologie des deux formes les plus prévalentes puis leur épidémiologie. Les complications vasculaires et la surmortalité cardiovasculaire des patients atteints de diabète seront ensuite étudiées. Les pistes de traitements seront explorées notamment ceux montrant un bénéfice sur la protection cardiovasculaire. Enfin, la prise en charge des autres facteurs de risque sera explicitée.

 

I. Définition et épidémiologie

La définition du diabète est commune aux différents types : DT2, DT1, diabètes génétiques, diabètes secondaires... Le diabète est caractérisé par une « élévation chronique de la concentration de glucose dans le sang (hyperglycémie) et regroupe plusieurs maladies de pathogénie différentes (trouble de la sécrétion et/ou de l’action de l’insuline) ». 

L’OMS a proposé plusieurs critères diagnostics :

  • Une glycémie > 1,26 g/l (7,0 mmol/l) après un jeûne de 8 heures et vérifiée à deux reprises ;
  • Ou la présence de symptômes de diabète (polyurie, polydipsie, amaigrissement) associée à une glycémie (sur plasma veineux) > 2 g/l (11,1 mmol/l) ;
  • Ou une glycémie (sur plasma veineux) > 2 g/l (11,1 mmol/l) 2 heures après une charge orale de 75 g de glucose

Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune induisant la destruction des cellules ß des îlots de Langerhans du pancréas (cellule productrices d’insuline) par les lymphocytes T (cellules du système immunitaire) de l’individu. Ce dérèglement entraine une carence absolue en insuline. Le DT1 est classiquement diagnostiqué dans l’enfance mais peut également survenir à l’âge adulte. Il représente environ 6% des cas de diabète en France (1).

Le diabète de type 2 est caractérisé par une insulinorésistance associé à un déficit insulinosécrétoire relatif. Il est souvent diagnostiqué après 40 ans mais apparaît de plus en plus tôt avec l’augmentation de la prévalence de l’obésité chez l’enfant et l’adolescent. Le DT2 est souvent associé à une hérédité familiale. Le diabète de type 2 (DT2) est le plus prévalent, il représente plus de 90 % des diabètes en France (1). Sa prévalence continue à augmenter. Il s’agit d’une épidémie mondiale qui devrait toucher plus de 592 millions de personnes dans le monde d'ici 2035, soit une augmentation spectaculaire par rapport aux 382 millions de personnes atteintes de DT2 en 2013 (2).

 

II. Complications vasculaires

L’hyperglycémie chronique joue un rôle majeur dans les complications micro-angiopathiques. L’hémoglobine glyquée (HbA1c) est le principal marqueur de l’équilibre du diabète prédictif de l’apparition des complications micro vasculaire. Plus le déséquilibre est sévère, plus l’incidence des complications micro vasculaire sera importante. Ces complications comprennent la rétinopathie diabétique, la néphropathie diabétique et la neuropathie se caractérisant par des troubles de la sensibilité et des douleurs neuropathiques. En pratique, l’hyperglycémie provoque des mécanismes en cascade provoquant une dysfonction endothéliale. Ce phénomène diminue la réactivité vasculaire et modifie la matrice extracellulaire (3). L’hypertension artérielle participe également à la dysfonction endothéliale. L’hyperglycémie et l’HTA sont les deux facteurs de risque principaux des complications micro-angiopathiques.

Les complications macro-vasculaires sont provoqués par l’accumulation de différents facteurs de risques dont l’hyperglycémie chronique. Les complications macro angiopathiques comprennent l’atteinte des artères coronaires avec un risque d’infarctus du myocarde, les artères cérébrales avec un risque d’AVC et les artères des membres inférieurs avec un risque d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs. L’hyperglycémie provoque l’altération de la vasomotricité endothéliale au niveau des artères de moyen et de gros calibre. L’insulinorésistance directement en lien avec l’obésité peut participer à l’altération de la vasodilatation endothéliale (3). Les autres facteurs de risques connues comme l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, le tabac et la sédentarité participent à l’apparition d’évènements cardiovasculaire. 

 

III. Surmortalité des patients atteints de diabète

L’étude Entred 2007 a mis en évidence la surmortalité (+50 %) liée aux maladies cardiovasculaires chez la cohorte de patients atteints de diabète comparé à la population générale (4).  On constate une augmentation du risque d’insuffisance cardiaque symptomatique de 2,4 fois chez l’homme et de 5 fois chez la femme en présence d’un diabète par rapport à une population non diabétique et ce, indépendamment de la coexistence d’une hypertension artérielle ou d’une ischémie myocardique (5)

L’étude épidémiologique de l’American Heart Association a montré un sur-risque d’évènements cardiovasculaires chez les patients diagnostiqués avant l’âge de 41 ans, d’autant plus important chez les femmes. L’augmentation du risque de maladies cardiovasculaires et d'années de vie perdues diminue avec l'âge du diagnostic. Cette étude conclut à l’importance d’opter pour des objectifs thérapeutiques étroit chez les patients jeunes avec un contrôle strict des autres facteurs de risques cardiovasculaire notamment chez les femmes (6).

 

IV. Traitement et protection cardiovasculaire

Le but du traitement est d’atteindre un équilibre glycémique satisfaisant. Les cibles d’HbA1c varient en fonction de l’âge du patient et de la présence ou non de comorbidité sévères. L’objectif général se situe autour de 7 % voire 6.5 % si l’objectif est atteignable sans hypoglycémie. Un objectif autour de 8 % sera toléré en cas d’espérance de vie limité ou de mauvais état général. 

Le seul traitement du diabète de type 1 est l’insulinothérapie basal bolus, avec une insuline lente ou des schémas basaux par heure si le patient est équipé d’une pompe à insuline et des bolus prandiaux. Le traitement permet de compenser la carence en insuline.

Le traitement du diabète de type 2 est plus complexe. Le premier traitement repose sur la modification des habitudes de vies avec une lutte contre la sédentarité, une activité physique adaptée et une alimentation équilibrée, sauf si déséquilibre majeur au diagnostic. Si la modification de ses habitudes de vie n’a pas permis au patient d’atteindre une HbA1c satisfaisante dans un délai d’environ 3 mois, un traitement par METFORMINE sera proposé en situation commune. Il permet de diminuer la production hépatique de glucose, réduire l’insulinorésistance sans risque d’hypoglycémie et sans effet sur le poids.

Si la METFORMINE seule n’a pas permis d’amélioration suffisante, plusieurs pistes thérapeutiques peuvent être envisagées (7) :

Introduction d’un inhibiteur DPP4 : ils sont neutres sur le plan cardiovasculaire, sans effet sur le poids et sans risque d’hypoglycémie.

Introduction d’un inhibiteur du SGLT2 : ils ont démontré un effet protecteur au niveau cardiovasculaire chez les patients à haut risque avec une diminution des évènements CV majeurs et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et une réduction de la mortalité CV peu importe leur niveau d’HbA1c. Leur bénéficie en terme de protection rénale a également été démontré (8,9,10,11,12, 13). Les iSGLT2 entrainent une perte de poids (de 2 à 4kg) et une réduction de la pression artérielle grâce à leur mécanisme d’action provoquant une glycosurie. C’est une classe thérapeutique particulièrement intéressante pour les patients diabétiques atteints d’insuffisance cardiaque et/ou d’insuffisance rénale.

Introduction d’un analogue du GLP-1 : ils ont un effet anti-hyperglycémiant plus important que les deux précédentes classes, sans risque d’hypoglycémie et engendrant une perte de poids (de 2 à 4kg voir plus). Les analogues du GLP 1 ont montrés une réduction des évènements CV majeurs chez les patients à haut risque sans effet sur la fréquence des hospitalisations pour insuffisance cardiaque (14,15,16,17). Ce sont des molécules particulièrement intéressantes chez les patients atteints d’obésité. La forme galénique est injectable, en sous cutanée, à réaliser entre 1 fois par jour et 1 fois par semaine en fonction des molécules.

En cas de déséquilibre persistant malgré l’administration de la METFORMINE et d’une autre molécule précédemment citée, il est possible de les combiner en proposant une trithérapie. Ensuite l’introduction d’une insuline basale sera envisagée.

 

V. Contrôles des facteurs de risques cardiovasculaires

La prise en charge des patients atteints de diabète comprends l’évaluation des autres facteurs de risques cardiovasculaire : l’hypercholestérolémie, l’hypertension artérielle, l’obésité, le tabagisme, la sédentarité (18).

En fonction de leur âge, de la durée d’évolution de leur diabète, de la présence de complication micro-vasculaire et de la coexistence d’autres facteurs de risques cardiovasculaire, les sociétés savantes de cardiologies internationales ont défini plusieurs niveaux de risque (19). Des objectifs de contrôle de la dyslipidémie ont été fixées en fonction de la stratification du risque. Un patient avec un risque CV modéré (jeune, avec une durée d’évolution de diabète inférieur à 10 ans et sans complication micro vasculaire ou autre facteur de risque) aura un objectif de LDL-cholestérol en dessous d’1g/l. Un patient atteints de diabète sans complication micro-vasculaire avec une durée d’évolution de plus de 10 ans ou avec la présence d’un autre facteur de risque sera considéré à risque CV élevé, l’objectif de LDL-cholestérol sera inférieur à 0.7 g/l. Enfin, un patient considéré comme à très haut risque CV avec un diabète compliqué au niveau micro-vasculaire ou avec la coexistence de 3 facteurs de risques ou plus ou avec une durée d’évolution de plus de 20 ans aura un objectif de LDL-cholestérol plus strict en dessous de 0.55 g/l. En cas de prévention secondaire, l’objectif sera également en dessous de 0.55g/l voir 0.4 g/l en cas de récidive dans les 2 ans.

Les objectifs tensionnels des patients atteints de diabètes sont inférieurs à 130/80 mm Hg. Pour parvenir à cet équilibre tensionnel protecteur, les IEC ou les ARA II sont généralement privilégiés en première intention pour leurs effets néphroprotecteurs. 

En cas de surcharge pondérale, une prise en charge pluridisciplinaire peut-être proposé. Elle peut permettre de travailler à l’équilibre alimentaire et à l’intégration dans la vie quotidienne d’une activité physique adaptée. En cas de trouble du comportement alimentaire, une prise en charge spécifique doit être envisagée. L’administration de thérapeutique, notamment d’analogue du GLP1 peut contribuer à la perte de poids. Enfin, la chirurgie bariatrique peut être envisagée en cas d’échec du traitement médical si l’IMC est supérieur à 35 kg/m2 en l’absence de contre-indication.

En cas de tabagisme actif, le sevrage est à proposer. Le patient peut être accompagné à l’arrêt avec la mise en place de substitut nicotinique adapté à sa consommation. Un accompagnement personnalisé et soutenant doit être proposé afin que les patients puissent parvenir à un sevrage total.

 

Conclusion

Au final, il a été démontré que le diabète est un facteur de risque cardiovasculaire majeur. Il est essentiel de travailler à un équilibre glycémique satisfaisant afin de limiter les complications micovasculaires. Les complications macro vasculaires sont multifactoriels et une prise en charge holistique doit être proposée afin de limité le risque cardiovasculaire. Un contrôle strict sur l’ensemble des facteurs de risque est nécessaire afin de diminuer la mortalité. De nouvelles molécules apportant une protection cardiovasculaire et un effet anti-hyperglycémiant sont récemment apparues sur le marché. Les professionnels de cardiologies, de néphrologie et de diabétologie seront amenés à travailler encore plus étroitement à l’avenir avec des outils thérapeutiques communs.

 

Bibliographie

1 – Santé Publique France. Le diabète en France : les chiffres 2020 ; novembre 2021. https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2021/le-diabete-en-france-les-chiffres-2020

2 - Guariguata L, Whiting DR, Hambleton I, Beagley J, Linnenkamp U, Shaw JE. Global estimates of diabetes prevalence for 2013 and projections for 2035.Diabetes Res Clin Pract. 2014; 103:137–149. doi: 10.1016/j.diabres.2013.11.002

3 – Valensi P., Cosson E. Physiopathologie des complications du diabète. Réalités cardiologiques n°213, 2006.

4 – Santé publique France. Évolution de la mortalité et de la surmortalité à 5 ans des personnes diabétiques traitées pharmacologiquement en France métropolitaine : comparaison des cohortes Entred 2001 et Entred 2007, 2019. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/diabete/articles/mortalite-liee-au-diabete#:~:text=Les%20principales%20causes%20de%20d%C3%A9c%C3%A8s,54%2D1%2C72%5D).

5 - Kannel WB, Hjortland M, Castelli WP. Role of diabetes in congestive heart failure: The Framingham Study. Am J Cardiol 1974; 34: 29-34.

6 – Sattar, N. and al. People under 40 diagnosed with Type 2 diabetes face excess risk of cardiovascular disease, death, 2019. American Heart Association. 

7 – Société Francophone du diabète. Prise de position de la Société Francophone du Diabète (SFD) sur les stratégies d'utilisation des traitements anti-hyperglycémiants dans le diabète de type 2 – 2021. 

8- Zinman B, Wanner C, Lachin JM, et al. Empagliflozin, cardiovascular outcomes, and mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med 2015;373:2117-28. 

9 - Neal B, Perkovic V, Mahaffey KW, et al. Canagliflozin and cardiovascular and renal events in type 2 diabetes. N Engl J Med 2017;377:644-57. 

10- Wiviott SD, Raz I, Bonaca MP, et al. Dapagliflozin and cardiovascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2019;380:347-57. 

11 - Perkovic V, Jardine MJ, Neal B, et al. Canagliflozin and renal outcomes in type 2 diabetes and nephropathy. N Engl J Med 2019;380:2295-306. 

12 - McMurray JJV, Solomon SD, Inzucchi SE, et al. Dapagliflozin in patients with heart failure and reduced ejection fraction. N Engl J Med 2019;381:1995-2008. 

13 - Scheen AJ, Piérard L, Krzesinski JM, et al. Protection cardiovasculaire et rénale du patient diabétique de type 2 : le point après EMPA-REG OUTCOME et LEADER. Rev Med Liege 2016;71:376-81

14 - Marso SP, Daniels GH, Brown-Frandsen K, et al. Liraglutide and cardiovascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2016;375:311-22. 

15 - Marso SP, Bain SC, Consoli A, et al. Semaglutide and cardiovascular outcomes in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med 2016;375:1834-44. 

16 - Hernandez AF, Green JB, Janmohamed S, et al. Albiglutide and cardiovascular outcomes in patients with type 2 diabetes and cardiovascular disease (HARMONY Outcomes) : a double-blind, randomised placebo-controlled trial. Lancet 2018;392:1519-29. 

17 - Gerstein HC, Colhoun HM, Dagenais GR, et al. Dulaglutide and cardiovascular outcomes in type 2 diabetes (REWIND): a double-blind, randomised placebo-controlled trial. Lancet 2019;394:121-30.

18 – Haute autorité de santé. Guide parcours de soins – Diabète de type 2 de l’adulte, 2014.

19 - Mach F, Baigent C, Catapano AL, Koskinas KC, Casula M, Badimon L, et al. 2019 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias: lipid modification to reduce cardiovascular risk. Eur Heart J. 2020 Jan 1;41(1):111–88.

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